Le printemps est l’occasion de voyager à nouveau.
C’est cet hiver que j’ai pensé rejoindre Félix à Dublin; l’occasionne se représentera pas et le temps s’annonce propice.
L’objectif est d’atteindre l’Irlande le plus rapidement possible pour profiter de quelques jours de vacances avec lui; je feraiquand même un peu de tourisme et quelques photos pour cet article.
Les longues soirées d’hiver m’ont permis de tracer le parcours.
La nouveauté par rapport aux précédents voyages estla nécessité incontournable de prendre des ferries, et de se passer de l’euro en Angleterre tout en roulant à gauche.
Le vélo Victoire va donc s’aventurer en Europe, toujours équipé en bikepacking; ila été préparé et testé le dernier jour d’école.
Pas de temps à perdre en partant le premier jour des vacances de printemps.
Direction la Manche
Il est prévu de la traverser à midi, mais je vais prendre de l’avance en me levant aux aurores; sansdoute l’impatience de partir.
Je suis donc prêt à l’heure où je devais me lever.
Le mont Cassel me sert de ligne de mire et il émerge de la brume en ce début de matinée très fraîche.
L’allure est soutenue, car je tente de me réchauffer avec ma tenue d’été prévue pour une chaude journée; lesécarts thermiques sont importants en cette saison. Après un petit souci de desserrage de cale automatique de chaussure, me voilà rapidement à Loon-Plage et le GPS me conduit directement au terminal des ferries de la compagnie DFDS. Il n’y a plus qu’à prendre un billet, car je n’avais pas réservé, ne connaissant pas mon rythme.
Contrôle Vigipirate inexistant pour les cyclistes!
Je vais donc pouvoir embarquer sur le ferry de 10h, au lieu de celui de midi initialement prévu.
Le Victoire est le seul au niveau des emplacements vélos et je l’attache solidement en cas de tempête! Presque deux heures de traversée pour me remettre de mon réveil avancé en fin de nuit, surtout que la Manche est une vraie mer d’huile. Les falaises de craie de Douvres se distinguent à la proue du ferry.
South-Est England
Une bouffée de chaleur m’accueille à Douvres, après être sorti le dernier du navire à cause d’un employé respectant scrupuleusement la sécurité.
Après le souci de chaussure, je suis ennuyé par la sacoche de cintre qui appuie sur le câble du frein avant, entraînant unfrottement.
Cela ne m’empêche pas de prendre la direction de Londres, avec encore une heure d’avance en raison du décalage horaire.
Plus j’approche de Canterbury et plus j’apprécie ma tenue d’été en cours d’après-midi. Le paysage ressemble étrangement à celui des collines de l’Artois. Le souci de la sacoche est pénible, car la qualité du revêtement des routes anglaises est vraiment exécrable, même sur les principaux axes; ilva falloir s’y faire en se concentrant sur la circulation.
Mieux vaut mettre pied à terre dans les rues piétonnes de Canterbury qui sont noires de touristes.
Le but est de se rapprocher de la cathédrale, mais je suis désabusé de ne pouvoir la photographier sans payer une somme faramineuse; pasgrave, car je me rattraperai à Londres.
Londres
Cette première journée vers Dublin s’achève, mais j’ai le temps de profiter de la capitale. Alors que le soleil s’incline sur l’horizon, je m’aperçois sur le GPS que je suis en train de manquer Greenwich dans la banlieue londonienne.
Un petit détour est par conséquent impératif pour franchir ce méridien.
Encore faut-il le trouver? Mais en essayant de demander à des Anglais, des Français qui viennent d’y passer, m’indiquent la direction.
Le Royal Observatory Greenwich se situe au sommet d’une colline qui surplombe la Tamise; je ne manque pas de marquer cette position sur mon GPS.
Il ne me reste plus qu’à longer cette rivière pour retrouver mon parcours initial et traverser le Tower Bridge au soleil couchant.
Pas le temps de manger, car le menu des monuments est copieux: the Eye of London, Palais de Westminster, Elizabeth Tower coiffée de Big Ben; c’est à cet instant qu’elle sonne les huit coups de 20h précédés de sa célèbre mélodie.
Fin de la visite à Buckingham Palace où je m’alimente en céréales, en attendant que The Queen me reçoive; hélas, plus de chambre libre!
Après cette longue journée, je ne me vois pas continuer à rouler pour sortir de Londres.
Le parc voisin de Buckingham va m’héberger pour cette première nuit au sein d’un bosquet d’arbres et d’arbustes, tout en profitant d’un peu de lumière urbaine pour m’installer. À peine endormi, un renard et non un chien vient me pincer les orteils! Il finira par me laisser tranquille.
Bercé par la douce mélodie de Big Ben, je peux lui faire concurrence en ronflant.
Deuxième jour
Après une sortie longue et pénible de la capitale, je me dirige vers Oxford et ses universités. Laroute traverse de nombreuses agglomérations sur cet axe très fréquenté.
Ambiance estivale dans la ville universitaire d’Angleterre, surtout un dimanche.
Une fois le tour des différentes universités effectué, je prends la direction de Birmingham.
La distance parcourue est moins importante que la veille, mais la traversée d’un petit bois est l’occasion de savourerune nuit plus champêtre que celle passée dans Londres.
Pays de Galles
Ce troisième jour va contraster avec les précédents en traversant ce morceau de Grande-Bretagne.
Tout d’abord, changement de tenue avec jambières et brassières en raison des températures divisées par deux et d’un petit vent de nord-ouest désagréable; ensuitele paysage montagneux s’annonce grandiose. Une route historique se présente à moi pour franchir le Pays de Galles; elle fut construite au début du XIXe siècle à l’époque des calèches.
Qui dit montagnes, dit dénivelé, mais cette route est tracée régulièrement dans une vallée verdoyante en son début.
Pas grand monde sur cet itinéraire et mes seuls compagnons sont les diverses races de moutons anglais qui ne se soucient guère de ce cycliste français s’aventurant en terres galloises.
Plus la route s’élève et plus le ciel s’assombrit au-dessus des sommets dégarnis, dignes de l’univers du Seigneur des Anneaux.
Cela me permet d’accélérer le rythme, car j’ai espoir d’atteindre Holyhead dans la soirée pour prendre le ferry de 20h; jeréalise alors que la distance indiquée sur les panneaux routiers est en miles et je comprends mieux l’écart avec le GPS!
Mais la descente vers la mer est très rapide malgré un freinage loin d’être efficace à cause de la sacoche, comme je l’ai expliqué en début d’article. Une fois à Bangor, un magnifique pont suspendu me permet de passer sur une petite île sur laquelle se situe Holyhead.
Les derniers kilomètres ou plutôt miles sont interminables avec le stress de l’horaire.
Au niveau du terminal, les bureaux de Irish Ferries sont closed, mais par chance il y a l’autre compagnie, StenaLine; j’ai même une petite heure d’avance!
Dublin
Il me reste à prévenir Félix sans tarder, car je suis à bord du Superfast qui effectue la traversée en 3h30 à 20 nœuds de moyenne! Tout juste le temps de récupérer de cette troisième et dernière journée: la plus plaisante de ce voyage.
L’arrivée est annoncée vers minuit et Félix me confirme sa présence.
Quel bonheur de le retrouver au niveau des barrières de sécurité et de mettre un terme à cette nouvelle aventure européenne.
Prévue à l’origine en quatre jours, les bonnes conditions climatiques l’ont raccourcie! La dizaine de kilomètres nous conduisant chez Félix n’est plus qu’un sprint final dans les rues de Dublin qu’il connaît comme sa poche.
Comme d’habitude, après la joie des retrouvailles, un moment appréciable est la douche, pendant que Félix retouche déjà les photos decet article.
Il ne me reste plus qu’à savourer une petite semaine de repos ou presque, car je vais découvrir les routes irlandaises en roulant avec Félix.
Retour
La fin des vacances approche et il va falloir songer à revenir en France!
Le retour est prévu dans la nuit de mercredi à jeudi. Je vais reprendre un Superferryde StenaLine à 2h40, pour finir ma nuit à bord et commencer à rouler aux aurores, une fois arrivé à Holyhead. C’est ainsi que Félix et moi arrivons au port avec une heure d’avance.
Hélas, je me suis trompé d’horaire et le ferry doit partir à 2h15!
Impossible donc d’embarquer sur celui-ci, mais l’employé me propose de réserver tout de suite ma place pour le premier de la journée à 8h20. Désabusé par ce changement de programme qui va me contraindre àretarder mon retour de six heures, nous retournons chez Félix pour finir notre nuit. Après ce faux départ dont je me serais bien passé, nous revoilà à la compagnie StenaLine au lever du jour; surtout que le ferry suivant part en milieu d’après-midi.
J’ai de la marge, mais n’abusons quand même pas!
Je patiente avec les autres piétons, pensant ensuite monter à bord en pédalant, comme cela a été le cas à l’aller. Encore une désillusion, car mon cher Victoire doit être chargéavec les autres bagages de passagers dans une camionnette; en attendant de s’installer dans un bus pour accéder au ferry. La traversée peut ensuite commencer. Je me remets de ces dernières émotions en essayant d’accumuler encore un peu de sommeil, dont je vais avoir grandement besoin une fois au Pays de Galles! Pas évident avec des groupes de jeunes anglais excités par leur voyage. À l’arrivée à Holyhead, même procédure pour le débarquement avantde récupérer le vélo.
Ce n’est que vers midi que je peux enfin débuter à traverser le Pays de Galles, en tentant d’oublier ces fâcheuses péripéties.
Le point positif est que pas une goutte de pluie n’est annoncée pour les prochains jours, avec du vent d’ouest plutôt favorable. Je ne pense donc qu’à pédaler en maintenant une allure régulière d’endurance; c’est pourquoi les photos de ce retour sont inexistantes. Plus de soucis de freinage puisque de nouveauxétriers m’ont été offerts par Félix, qui les a d’ailleurs installés. J’en ai aussi profité pour puiser dans son stock de pneus pour en installer de plus larges; surtout plus confortables pour affronter le mauvais revêtement anglais, équivalent parfois à nos routes communales!
Les étapes sont les mêmes qu’à l’aller. Seule la traversée de Londres diffère un peu,car les préparatifs de son marathon modifient son aspect très british habituel. Il faut aussi anticiper les départs de ferries depuis Douvres pour retraverser la Manche, qui sont programmés toutes les deux heures; possibilitéde récupérer avant le sprint finalentre Dunkerque et la maison, sans oublier de rouler à droite! Avec de la marge, le week-end me permet de réaliser ce que je viens d’accomplir et dont j’étais incertain au moment de sa programmation. Il faut avouerque le temps a été mon allié, car mon équipement pluie a été inutile, ce qui est un comblepour traverser l’Angleterre.
Mais les frontièresde l’Europe me sont maintenant ouvertes!